Coronavirus: anticorps et immunité, le point sur la recherche
C’est notre rendez-vous hebdomadaire : tous les jeudi, RFI fait le point sur la recherche pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Cette semaine, on délaisse les essais cliniques pour se pencher un peu plus sur la recherche fondamentale et l’immunité face au coronavirus.
Ce sont des résultats publiés dans la prestigieuse revue Cell, une équipe de l’université de Pékin est parvenue à isoler des anticorps et à démontrer leur efficacité contre le covid-19. Au centre de ces recherches se trouve la question de la réponse immunitaire de notre corps face à la maladie. Il subsiste en effet encore beaucoup d’interrogations sur la qualité de cette réponse et sur sa durée dans le temps. Il est pourtant essentiel d’y répondre : d’un point de vue épidémiologique, tout d’abord. L’immunité de population qui permettrait à nos sociétés de devenir résilients face à la maladie requiert en effet que nos organismes se souviennent comment combattre le Sars-CoV-2 si jamais ils venaient à le rencontrer une nouvelle fois ; faute de quoi, on pourrait être contaminé plusieurs fois. Avoir des réponses à ces questions est également intéressant d’un point de vue clinique et c’est justement ce sur quoi a travaillé l’équipe de Sunney Xie à Pékin.
L’idée est d’utiliser les anticorps produits par l’organisme des personnes infectées par le Covid-19 et qui en ont guéri, pour les transmettre à celles qui sont malades. « Ils ont isolé les cellules qui produisent ces anticorps, et les ont caractérisés. Ils ont ensuite montré qu’ils étaient capables de bloquer l’infection par le virus », explique Morgane Bomsel, chercheuse CNRS à l’institut Cochin, qui n’a pas participé à ces recherches. « Dix de ces anticorps sont capables de bloquer in vitro l’infection de cellules par le Sars-CoV-2. En revanche, une infection dans un organisme est beaucoup plus complexe que dans une boite de culture. » Les chercheurs chinois ont alors infecté des souris, transgéniques pour qu’elles puissent être la cible du covid-19. « Ils leur ont ensuite injecté un anticorps et montré que la quantité de virus produite par les animaux infectés était notablement réduite. Cela suggère que cet anticorps qu’ils ont caractérisé est capable de bloquer l’infection. »
Sunney Xie, le responsable de cette étude détaille : « Après 5 jours, la charge virale a été divisée par 25 000. Cela signifie qu’un éventuel médicament aurait un effet thérapeutique. ».
Son équipe et lui ont également essayé une deuxième approche, préventive cette fois : « Si on injecte les anticorps neutralisants avant d’infecter les souris, alors elles ne seront pas contaminées : aucun virus ne sera détecté. Cela ferait une deuxième utilisation : comme protection temporaire. On pourrait stopper la pandémie avec un tel médicament. Même sans vaccin. »
Pour cela, il faudrait que l’immunité conférée par ces anticorps soit durable. Morgane Bomsel en doute : « Le Sars-CoV-2 est transmis par voie aérienne et par définition on ne sait pas qui va le transmettre. Pour être efficace, il faudrait que cette protection soit permanente. Or, les anticorps ont une durée de vie de quelques jours. Si on veut appliquer cette prophylaxie, il faudrait alors envisager des injections d’anticorps un peu trop fréquentes ! »
Cela dit, les biologistes savent prolonger la durée de vie des anticorps. « En faisant du génie génétique, on pourrait assez simplement modifier ces anticorps pour leur permettre d’avoir une durée de vie plus longue dans l’organisme », explique Morgane Bomsel.
On en est cependant encore loin et si recherches tiennent leurs promesses en matière de traitement, il faudra encore attendre un éventuel vaccin pour la prévention. Cette étude de l’université de Pékin apporte cependant de solides éléments sur la réponse immunitaire face au Sars-Cov-2. Ils sont d’ailleurs étayés par deux autres études parues dans Science ce jeudi 21 mai.
La première apporte des éléments de réponse sur la mémoire immunitaire après une infection au covid-19. On ne sait toujours pas si elle existe chez l’homme, mais une équipe de l’école de médecine de Harvard a montré que c’est le cas chez le macaque rhésus, une espèce proche de la nôtre. Une autre équipe de la même école a elle cherché à développer un vaccin, toujours chez le primate. Les auteurs concluent « avoir démontré l’efficacité d’une protection vaccinale contre le Sars-CoV-2 pour le macaque rhésus, ce qui accélèrera le développement d’un vaccin pour l’homme. »