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Documents financiers de Donald Trump : divisée, la Cour suprême doit trancher

La Cour suprême a commencé à se pencher mardi sur trois affaires liées au refus du président américain de livrer ses déclarations d’impôts et d’autres documents financiers au Congrès et à la justice. Les neuf juges, qui doivent rendre leur décision avant la fin du mois de juin, semblent divisés.

C’est l’examen le plus politique de l’année pour la Cour suprême des États-Unis qui a démarré mardi 12 mai. Se disant protégé par son immunité présidentielle, Donald Trump s’oppose à la transmission de toute une série de documents liés à ses affaires, réclamés par des commissions de la Chambre des représentants et un procureur new-yorkais. Les neuf juges doivent donc trancher dans ce dossier susceptible de peser sur la séparation des pouvoirs aux États-Unis.

Lors des auditions qui se sont déroulées par téléphone mardi, coronavirus oblige, ils ont semblé tiraillés entre plusieurs grands principes, mais aussi entre eux. « Un des principes fondamentaux de notre Constitution est que le président n’est pas au-dessus des lois », a rappelé la juge progressiste Elena Kagan. Mais, en même temps, « nous sommes inquiets du risque potentiel de harcèlement » du locataire de la Maison Blanche, a reconnu le magistrat conservateur John Roberts.

Le premier enjeu du dossier est concret : l’arrêt de la Cour permettra peut-être de lever le voile avant l’élection présidentielle du 3 novembre sur les affaires de Donald Trump, qui contrairement à tous ses prédécesseurs depuis les années 1970 refuse de publier ses déclarations d’impôts. Son manque de transparence alimente les spéculations sur l’étendue de sa richesse ou sur de potentiels conflits d’intérêt.

Chasse aux sorcières »

Après avoir repris le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, les démocrates ont tenté de percer le mystère : trois commissions ont émis à partir d’avril 2019 des injonctions au cabinet comptable Mazars et aux banques Deutsche Bank et Capital One pour obtenir les archives relatives aux affaires de l’ancien magnat de l’immobilier de 2010 à 2018.

En parallèle, le procureur démocrate de Manhattan a émis une requête comparable auprès du cabinet Mazars dans le cadre d’une enquête portant sur une possible violation des lois new-yorkaises sur le financement des campagnes électorales.

Se posant en victime d’une « chasse aux sorcières », Donald Trump a saisi la justice pour bloquer ces injonctions. Après avoir perdu en première instance et en appel, il s’est tourné vers la Cour suprême.

« Harcèlement »

Lors de l’audience, ses avocats ont invoqué la nécessité de le protéger contre toute tentative de « harcèlement » pour qu’il puisse remplir ses fonctions sereinement. Si la Cour valide les injonctions du Congrès, cela « ouvrira la porte à toutes sortes de requêtes oppressives », a plaidé Me Patrick Strawbridge dans le premier volet de l’affaire.

Les quatre magistrats progressistes ont semblé mal à l’aise avec cette approche. « Concrètement, vous nous demandez d’empêcher le Congrès de mener son rôle de supervision dès qu’il s’agit du président », a souligné la juge Kagan. « Cela pose un énorme problème pour la séparation des pouvoirs », a ajouté sa consœur Sonia Sotomayor.

Leurs collègues conservateurs ont plutôt passé l’avocat de la Chambre sur le gril. « Pour vous, il n’y a aucune protection » pour empêcher un harcèlement du président, lui a lancé le juge Samuel Alito.

« Au-dessus des lois »

Dans le second volet, les avocats du président ont plaidé qu’il ne pouvait faire l’objet d’aucune enquête au pénal tant qu’il est en fonction. « Une procédure pénale contre un président est une violation de la Constitution », a lancé Jay Sekulow, en estimant que c’était d’autant plus vrai dans le système de la justice des États, où 2 300 procureurs élus sont susceptibles de lancer des enquêtes.

L’avocat de New York a rappelé que la Cour suprême avait pourtant obligé dans les années 1970 le président républicain Richard Nixon à remettre des enregistrements dans le cadre du scandale d’espionnage du Watergate, puis autorisé en 1997 la poursuite d’une procédure civile pour harcèlement sexuel contre le démocrate Bill Clinton. Pour Carey Dunne, qui représente le procureur new-yorkais, « il n’y a pas besoin d’une nouvelle règle » qui risquerait de « placer le président au-dessus des lois ». Même les juges conservateurs ont semblé sensibles à cet argument.

La Cour devrait rendre sa décision avant la fin juin.