
Idy, le challenger idéal pour Macky (Par Madiambal Diagne)
«Né pour être Président du Sénégal !»
En d’autres termes, et comme il le dit lui-même, tant qu’il lui restera un souffle, il cherchera à devenir Président du Sénégal. C’était donc une simple vue de l’esprit de penser que Idrissa Seck troquerait sa place de président du Cese ou une toute autre promesse, contre une candidature à l’élection présidentielle. Comment pourrait-il accepter pour Macky Sall ce qu’il avait toujours refusé à Abdoulaye Wade ? Il a tour à tour accusé Macky Sall de félonie, de traitrise et d’être un nul, avant de ravaler sa bave pour profiter des avantages de son régime. Il avait toujours fait de même avec le Président Wade. L’ancien Président Wade a entendu toutes les ignominies de la bouche de Idrissa Seck en 2004 et 2007, avant qu’il n’acceptât de réintégrer le Parti démocratique sénégalais (Pds) en 2009, à la faveur de «retrouvailles sincères et non ambiguës». Mais en tant que nouveau membre du Comité directeur du Pds, Idrissa Seck dénoncera violemment, en 2011, la troisième candidature de Me Wade et sera à nouveau exclu du Pds. Il se voyait le dauphin attitré du président Wade et devait défendre les couleurs du parti à l’élection présidentielle de 2012. On a vu que le dernier rapprochement avec le Président Wade et son départ avec fracas avaient fini de doucher sa cote de popularité. Il n’avait rien épargné au Président Wade et à son fils Karim Wade. Macky Sall, lui-même, avant d’être élu, en a eu pour son grade. Après une brève accalmie consécutive à son élection en 2012, Idrissa Seck reprendra les attaques contre lui en 2013.
L’histoire s’est ainsi répétée quand, contre toute attente, Idrissa Seck reviendra aux affaires en remplaçant, en novembre 2020, Mme Aminata Touré à la tête du Cese et en trouvant des strapontins notamment au gouvernement, pour ses camarades de parti Yankhoba Diatara et Aly Saleh Diop. A partir de ce moment, aux yeux de Idy, «la vision de Macky Sall dépassa Diamniadio».
Aujourd’hui Idrissa Seck vient de déclarer sa candidature pour 2024, en contestant, avec les mêmes arguments qu’en 2012, celle subodorée de Macky Sall. Il n’insulte pas encore Macky Sall, préférant diriger ses flèches venimeuses contre Abdoulaye Wade, son fils Karim, Ousmane Sonko et Khalifa Ababacar Sall. Peut-être parce que Macky Sall n’a pas encore officialisé sa candidature ou que Idrissa Seck tiendrait encore (pour combien de temps) à profiter des avantages et privilèges que lui offrent ses fonctions à la tête du Cese.
Une candidature qui ne devrait pas gêner Macky Sall
Il reste qu’à y regarder de plus près, la candidature de Idrissa Seck ne devrait pas manquer d’intérêt pour le Président Sall. Comme ce fut le cas avec le Président Wade en 2012, le dernier ralliement de Idrissa Seck au camp présidentiel en 2020, avec son jeu de yo-yo, ses volte-face, son inconstance, pour ne pas dire ses reniements, a semblé provoquer un effet néfaste sur sa cote de popularité. On a déjà pu observer que Idrissa Seck a perdu ses principaux soutiens politiques qui, pour la plupart, se sont tournés vers Ousmane Sonko. D’ailleurs, la saignée a été telle qu’il a fini par perdre son bastion électoral de Thiès qui était pourtant considéré comme inexpugnable. Les débâcles à Thiès en 2022, aux élections locales et législatives, augurent d’une prochaine Présidentielle laborieuse ou même perdue d’avance pour Idrissa Seck. Il se présentera comme un candidat sans de grandes illusions et donc sans susciter une grosse phobie pour le camp présidentiel. S’il y a un petit bémol à faire, cela tiendrait à une forte idée d’un «dégagisme» d’un régime en place, que les électeurs voudraient sanctionner à tout prix, quitte à le remplacer par «un grand n’importe quoi». Les expériences des élections locales et législatives de 2022 peuvent servir de leçon. Toutefois, le spectacle offert lors de sa conférence de presse au cyber campus de Thiès a rendu sceptiques bien des gens quant aux bonnes facultés de Idrissa Seck à diriger un pays. Une campagne électorale tambours battants ne finira-t-elle pas par révéler des comportements, faits et gestes qui le disqualifieraient ? On peut le craindre.
Pour autant, cette candidature pourrait s’avérer utile ou opportune pour le Président Macky Sall. En effet, une candidature de Idrissa Seck, arrivé deuxième à la dernière Présidentielle (rappelons-le), donnerait du relief à la Présidentielle de 2024. La participation d’un poids politique non négligeable à cette élection, que devront manquer, une fois de plus, d’autres leaders jugés importants comme Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade, pourrait crédibiliser le scrutin. Les motifs de leurs condamnations pénales qui avaient empêché Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade d’être candidats à la Présidentielle de 2019 de même qu’aux Locales ou aux Législatives de 2022, demeurent. Ils ont décliné l’offre faite par Macky Sall du vote d’une loi d’amnistie. Le Président Sall aura toujours beau jeu de dire qu’il aurait bien voulu et souhaité les réhabiliter et les impliquer dans le jeu politique mais qu’il ne saurait faire le bonheur de quelqu’un contre son plein gré. Barthélemy Dias, qui pourrait servir de supplétif à Khalifa Ababacar Sall, est aussi sous le coup d’une condamnation tout aussi électoralement «disqualifiante», dans l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf en 2011. La Cour suprême attend de vider le recours en Cassation. Ousmane Sonko, empêtré dans de nombreuses procédures judiciaires, risque des condamnations pénales qui l’écarteraient de la course de 2024. Il peut être rattrapé par des affaires comme les accusations de viols et autres sévices sexuels sur la dame Adji Sarr ou la plainte du policier Frédéric Napel pour mise en danger de la vie d’autrui, appel au meurtre, fausses accusations et diffamation, en sus de la procédure judiciaire ouverte par le ministre Mame Mbaye Niang. D’autres citations à comparaître devant la Justice pénale attendraient le leader du parti Pastef. Les avocats Mes Gaby So et Dior Diagne ont fini de préparer des actions judiciaires pour chercher à laver leur honneur qu’aurait terni Ousmane Sonko, si tant est que leurs actions judiciaires ne seraient pas déjà frappées de prescription.
Pour 2024, Idrissa Seck ne compte pas non plus sur un nouveau soutien de Khalifa Ababacar Sall. L’ancien maire de Dakar avait appelé à voter pour le candidat de la coalition Idy2019. Le nouveau candidat déclaré vient de mettre son ancien allié dont manifestement il n’attendrait plus rien, dans le même sac que Karim Wade, celui infamant «des voleurs de deniers publics». Quid de Ousmane Sonko ? C’est un secret de polichinelle que Idrissa Seck et lui ne se gobent pas du tout. C’est ainsi que Idrissa Seck a dû se faire violence pour se déguiser et aller lui rendre visite, à bord d’une moto et à l’heure du laitier, pour discuter de quels avenirs politiques. Idrissa Seck, qui faisait feu de tout bois, s’est senti obligé d’avouer la visite quand il a compris que le «tout Dakar» était au courant de l’entrevue. On peut considérer qu’il n’en a pas tiré un grand bénéfice ou encore moins une perspective d’un éventuel soutien. Ses attaques en règle contre le leader du parti Pastef, qu’il a traité d’immature et qu’il a véritablement tourné en dérision, le montrent éloquemment.
Quoi qu’il advienne, Idrissa Seck, avec de moindres atouts, sera certes un candidat diminué et peut-être sans illusions, mais fera face à Macky Sall. Cela devient une fatalité. Il ne saurait être question d’une entente quelconque ou un «deal» entre les deux hommes, mais par la force des choses, une candidature de Idrissa Seck sera tout bénéfice pour Macky Sall. Au surplus, si d’aventure une victoire, encore une fois très peu probable, de Idrissa Seck survenait, ce serait le meilleur scénario de défaite pour Macky Sall et ses proches. Ils auraient moins à craindre d’actions vengeresses de la part de Idy que d’un tout autre opposant. On ne trahirait pas non plus un quelconque secret en affirmant que le Président Sall va demander à rempiler en 2024. Si la moindre incertitude demeurait dans son esprit, il aurait déjà édifié ses partisans pour qu’ils se mettent déjà à préparer la Présidentielle avec d’autres atouts et un autre candidat.