Prestation de serment d’Alpha Condé : Amnesty « ressuscite » les victimes du régime Condé, dont un homme 62 ans torturé à mort
Représailles contre des habitants
Amnesty International a documenté une série de violences exercées par les forces de défense et de sécurité contre les habitants de quartiers de la capitale réputés proches de l’opposition, lit-on dans le document. Le directeur général de la police nationale a fait état de deux « attaques armées par deux groupes d’assaillants au niveau du marché de Wanindara », un quartier de Conakry, menées le 30 novembre contre des « agents de police », faisant un mort et trois blessés parmi ces derniers. Le ministère de la Sécurité a qualifié l’attaque d’« actes terroristes » et la police a annoncé des « ratissages » et un « dispositif costaud » à Wanindara.
C’est dans ce contexte que Mamadou Lamarana Diallo, un jeune habitant de Wanindara a été tué à bout portant le 1er décembre dernier sans raison, par un groupe de six policiers venus fouiller sa maison familiale. Le jeune homme ne présentait aucun danger immédiat. Sa mère présente au moment des faits, a témoigné. « Les policiers avaient dit qu’ils allaient fouiller la maison. Ils étaient six, un est resté dehors j’ai suivi les cinq autres. Ils ont regardé dans toutes les pièces et n’ont vu personne. (…) Entre temps, j’avais appelé mon fils. Son arrivée a coïncidé avec la sortie des policiers de la maison qui lui ont tiré dessus. Nous l’avons conduit à l’hôpital, il a rendu l’âme en cours de route. Nous sommes retournés chez nous avec le corps que nous avons enterré. »
Wanindara a été « encerclé » les jours suivants la mort du policier par les forces de défense et de sécurité, qui ont « tiré dans tout le quartier », selon une autre habitante qui a été frappée avec son fils le 1er décembre.
Au quartier la Cimenterie dans la commune de Dubreka au nord de Conakry, Abdoulaye Djibril Bah a succombé à ses blessures au bras et à la hanche après avoir reçu trois balles tirées par des forces de défense et de sécurité le 21 octobre. Il est mort dans les bras de son ami qui a été menacé par la police sur le chemin de l’hôpital. Selon le témoignage recueilli par Amnesty International, Abdoulaye a rencontré des personnes qui fuyaient des forces de l’ordre se trouvant sur son chemin, et a été touché au bras. Essayant de se sauver, une deuxième balle l’a atteint à la jambe, puis rampant une troisième balle l’a atteint à la hanche. Deux personnes qui ont essayé de le secourir ont respectivement reçu une balle dans la jambe et le bras, et dans le ventre.
Utilisation de balles réelles par les forces de l’ordre
Le directeur général de la police nationale a affirmé à plusieurs reprises que les policiers n’étaient pas armés dans le cadre du maintien de l’ordre. Mais sur la base des analyses et authentifications par ses experts, de photographies de douilles récupérées dans un quartier de Conakry où des forces de défense et sécurité ont été présentes pour réprimer une manifestation, Amnesty International confirme l’utilisation de balles – possiblement de fabrication chinoise – pour les armes de type AK/MPAK. Ces armes sont fréquemment utilisées par des membres des forces de défense et de sécurité, comme le prouvent de nombreuses vidéos et photographies authentifiées par l’organisation.
Torture et mauvais traitements
Des experts en médecine légale à Amnesty International ont également analysé et authentifié les photos des blessures d’Ibrahima Sow, 62 ans, arrêté le 24 octobre et mort le 17 novembre dernier alors qu’il était toujours sous la supervision des autorités. Ibrahima Sow a été arrêté pour « participation délictueuse à un attroupement avec violences », après l’attaque du train d’une société d’uranium au cours de laquelle « trois gendarmes, un militaire et un civil » ont été tués, selon les propos du procureur général de la Cour d’appel de Conakry datés du 31 octobre.
Au lendemain de sa mort, le ministère de la Justice a indiqué dans un communiqué que Sow avait été testé positif à la Covid-19, puis était sorti guéri du Centre de traitement de la prison de Conakry, avant de se « plaindre d’un diabète » et d’être transféré à l’hôpital où il est décédé. Sa famille et l’Organisation guinéenne des droits de l’hommes (OGDH) accusent les autorités de vouloir dissimuler une mort causée par des actes de torture ou des mauvais traitements en détention. Une analyse d’Amnesty International a conclu que « pris ensemble, le schéma des blessures d’Ibrahima Sow suggère fortement l’infliction de brûlures à l’aide d’une tige de fer chaud ou d’un objet similaire. Les blessures sont des preuves très solides de mauvais traitements ». Ces blessures pourraient être la cause de la mort d’Ibrahima Sow.