« Violence et révolution : Quand ce qui n’est qu’un moyen est travesti en fin » (Par Alassane Kitane)
Le propre des populistes, c’est de travestir la réalité, d’inverser les faits et l’ordre causal des choses ou, à défaut, d’inventer des fantaisies qui rivalisent avec le réel. Ces derniers temps, les réseaux sociaux sont inondés de personnages sinistres faisant l’apologie de la violence sous le prétexte captieux que toutes les révolutions sont violentes.
Comme à leur habitude, ces gens fonctionnent avec des pétitions de principe : ce qui doit faire l’objet d’un examen préalable ou d’une délibération, est posé comme évidence, un principe indiscutable ou comme vérité hors de tout questionnement.
S’il est vrai que des révolutions ont été violentes, et que la violence est parfois nécessaire parce que salvatrice, rien ne permet d’en inférer que toute violence est nécessairement porteuse de révolution. C’est un paralogisme, voire simplement un sophisme primaire qui surfe sur le caractère borné de la conscience de la foule. La violence que Staline et Hitler ont utilisée n’était nullement salvatrice, elle était au contraire fécondatrice d’une involution catastrophique.
L’Etat islamique sème partout la terreur et la désolation, on ne peut pas pour autant dire qu’il est dans la dynamique d’une révolution. Comment des idées obscurantistes peuvent-elles faire une révolution ? Les guerres de religion qui ont ravagé le monde et créé des monstres sont-elles des révolutions ? Pourquoi dans ce pays on prend la liberté de confondre les moyens et les fins, les effets et les causes ?
La violence est effectivement inhérente à l’histoire des hommes, elle en est peut-être même le moteur, mais elle n’en est pas la substance, la fin. La violence n’est qu’un instrument, jamais une fin en soi. Il faut d’ailleurs relativiser cette inhérence de la violence à la nature humaine, car si l’homme est le produit de la culture, le recours à la violence est soit un échec de la culture soit la preuve qu’elle n’est pas innée, qu’elle est l’effet de l’éducation comme l’avait théorisé Rousseau.
On nous rétorquera que la culture n’a jamais été la négation de la nature, elle n’en est finalement que la continuation. Mais justement la réponse à ce contre-argument est que, c’est parce que les hommes le savent qu’ils ont constitué des communautés, des États et diverses formes de structures dans lesquelles la violence est « culturalisée » comme le mariage a été institué pour culturaliser la sexualité et ce qui en découle.
Il nous reste cependant à examiner une autre critique : lorsque le contrat social est rompu, lorsque l’État n’est plus capable de manier à bon escient cette violence ou qu’il l’utilise pour faire le contraire de l’esprit du contrat social, la violence brutale devient nécessaire. A un tel argument nous répondrons qu’il reste à examiner une question préjudicielle : qui est habilité à décréter que le contrat est rompu ? N’est-il pas logique de postuler que les apologistes de la violence sont des faussaires qui veulent simplement le pouvoir ?
Les réseaux sociaux sont devenus le paradis des répétiteurs de formules, des partageurs d’inepties et des pervers de toutes sortes. Parce qu’ils misent sur l’effet miroir (la tendance que nous avons à imiter de façon inconsciente les comportements, gestes et paroles de nos proches ou à projeter nos sentiments sur eux) les manipulateurs déversent toute sorte d’absurdité dans les réseaux sociaux.
L’imitation est devenue est un facteur d’abasourdissement et d’inhibition intellectuelle des individus dans nos sociétés où l’image (au sens le plus large du terme) est idolâtrée. La violence ne peut pas être implorée comme argument fondamental d’une cause, c’est la cause, par sa noblesse, qui a en général la légitimité de convoquer la violence.
S’il suffisait d’invoquer la violence pour enclencher la révolution, le monde serait un big-bang permanent. Car des violences, il y en a également qui relèvent de l’imposture ! Nous ne pouvons donc pas être aveugles au point de ne pas soupçonner que derrière l’apologie de la violence prétendument «purgative» (au sens pharmaceutique du terme) il y a une outrageuse astuce pour se servir du peuple. Ce fétichisme de la violence n’est que le dernier soupir de personnes perdues par leurs propres fourberies, par leurs mensonges et manipulations sans retenue.
Par Alassane K. KITANE